“Prenons soin de nos référents numériques” : Aurore Martin

Vous l’aurez surement constaté, mais cette année scolaire, le référent numérique d’une école est propulsé sur le devant de la scène (peut-être plus que d’habitude). Lourde tâche qu’est la sienne, dans ce contexte particulier de COVID19. Au fond, quel est le rôle d’un référent numérique pour une école ? Quels sont les dispositifs qui existent déjà ? Quelles sont les dernières décisions en la matière ?

On analyse tout cela pour vous, à l’aide de différents exemples concrets dans des articles “prenons soin de nos référents numériques”.

1) Le référent numérique : cette bonne âme

On ne va pas se le cacher, un bon nombre de référents numériques sont avant tout des passionnés, des personnes convaincues (de par leurs propres expériences et pratiques), que le numérique peut représenter une réelle plus-value pédagogique à condition qu’il soit bien intégré. Le référent ne compte pas ses heures, et se plie souvent en quatre afin de pouvoir faire progresser son établissement. Attention, je ne parlerai pas de vérité absolue (car l’inverse doit surement coexister également). Les référents avec qui je peux discuter et qui m’entourent, ont souvent le même profil dévouée, et toujours prêt à aider.

Bien que tout le monde s’accorde sur la place importante qu’il occupe dans une école, sa situation n’en reste pas moins très inégale par rapport à l’établissement dans lequel il se trouvera. En effet, le nombre d’heures attribuées pour effectuer cette tâche, peut varier fortement en fonction des heures NTPP disponibles, des moyens engagés par l’école, de la politique éducative propre à l’établissement, ou encore de la considération que la direction peut porter au sujet du numérique.

Il me paraissait important de donner de beaux exemples d’investissement, dans une série d’articles “prenons soin de nos référents numériques”. Micro-formation entre collègues, aide individualisée, organisation de module de formation en interne, et déploiement de projets divers, les tâches ne manqueront pas pour ces personnes désirant faire bouger la réalité numérique de leur école.

 

2) L’école secondaire Libre de Saint-Hubert

Certaines écoles n’ont pas attendu pour se doter d’une structure interne, et propre au numérique. Pour les personnes qui ont suivi mes précédents articles, la cellule numérique de mon école est toujours en activité, encore plus même, avec les difficultés de cette rentrée scolaire liées au COVID. Il est peut-être là un conseil fondamental : entourez-vous, et déléguez pour ne pas être seul par rapport à cette tâche.

Notre premier focus portera sur l’école Secondaire Libre de Saint-Hubert , avec une de ses référents numériques que certains d’entre vous connaîtront peut-être : Aurore Martin.

 

 

 

Être référent numérique, c’est avoir envie de partager son expérience avec ses collègues, avoir un esprit curieux et ouvert, ne pas hésiter à expérimenter

Comment s’organise le / les référents numériques dans ton école ?

Aurore : “Nous sommes, depuis cette année, 3 référents numériques dans notre établissement. Nous sommes issus de disciplines très différentes (Sylvain Vanesse est prof de latin, Pascal Mouzon est responsable CCM et enseigne la gestion et l’informatique et j’enseigne les sciences et la programmation) mais nous partageons certains points communs comme l’envie de rendre nos cours vivants, l’envie d’innover et un esprit très curieux.

Au point de vue organisation, nous sommes complètement dans la découverte de la fonction, même si nous avons plus ou moins d’expérience avec les outils numériques et avec le partage de nos pratiques avec nos collègues. De mon côté, j’entame la dernière année d’un master en sciences de l’éducation avec comme spécialisation, la formation d’adultes. Cela m’a vraiment aidé dans la conception et la mise en œuvre de notre dispositif de formation pour les collègues et pour les élèves.

Depuis la mi-mai, et durant les vacances d’été, nous nous sommes régulièrement vus afin de mettre en place la plateforme G Suite for Éducation de manière à ce que ce soit opérationnel dès la rentrée.

Dans notre établissement, la rentrée a démarré par deux journées pédagogiques que nous animions et dédiées à la présentation de G Suite, à la mise en route et à la formation (de base) des collègues.

Nous communiquons, organisons et planifions nos tâches au moyen d’outils G Suite tels que Jam Board, Sheet, le Drive partagé et les mails évidemment.

Nous nous croisons régulièrement dans l’école, actuellement, les contacts sont quotidiens. Nous avons une heure de concertation en milieu de semaine. Heureusement, l’entente est très bonne, nous avons souvent une lecture des évènements différente, ce qui est très enrichissant. Nous complétons à bien des égards.

Nous avons créé une adresse commune où nos collègues peuvent prendre contact, nous poser des questions en lien avec le numérique et où le secrétariat nous communique aussi des infos utiles telles que les entrées et sorties d’élèves et de mdp. Très naturellement, la gestion du parc informatique, des identifiants MDP et des élèves se sont répartis et même si les demandes arrivent sur nos trois adresses, nous savons exactement qui fait quoi, c’est plutôt efficace.

L’idée est, au-delà de l’urgence générée par le COVID, de mettre tous nos collègues et tous nos élèves “apte au numérique” et de mettre tout en œuvre pour que ces nouveaux outils soient au service des apprentissages et permettent de dynamiser les cours tout en favorisant l’acquisition des compétences numériques indispensables à l’insertion de nos élèves dans leur vie d’étudiants et/ou d’adultes.

Dès que l’ensemble des élèves auront reçu leur identifiant (nous les guidons dans leur première connexion, cela se fait en classe avec nous), les formations enseignants vont démarrer et se poursuivre tout au long de l’année, dans des moments qui restent encore à définir. En attendant, pour ne bloquer personne, un site d’autoformation des outils G Suite et d’autres appli “sympa” est disponible ainsi qu’un Classroom où les collègues, en mode “’élève” vont se familiariser avec l’outil ainsi qu’avec d’autres appli au moyen de petits défis assignés.”

 

Avez-vous un groupe ? Si oui, comment fonctionnez-vous ? 

Aurore : “Il n’y a pas encore de groupe à proprement parler au sein de l’école. Néanmoins, avec 4 enseignants impliqués dans différents projets numériques que je porte, nous formons depuis 2-3 ans une petite “communauté de pratiques” qui se voit et échange régulièrement, de manière informelle, tantôt à deux, tantôt à plusieurs sur ce que l’on fait, ce que l’on découvre dans le cas du numérique pédagogique. Une des richesses de ce groupe est la diversité tant dans les tranches d’âge (de 32 à 53) que dans les disciplines (Sciences, math, latin, français) que dans les années où l’on enseigne (de la 1ère à la rhéto). L’entente est très bonne et nous avons la chance aussi d’avoir des classes en commun, cela facilite grandement la mise en place de nos pratiques numériques, ce qui a été un sérieux avantage dans la gestion de nos élèves durant le confinement.

Lorsque l’actualité sera moins intense, nous comptons étendre cette communauté à tout qui le souhaite. Au vu du retour très positif sur la mise en route de G Suite, ses possibilités et les autres applis déjà renseignées, je ne doute pas que ce groupe s’étoffe et devient plus officiel.

Les maîtres-mots sont d’ores et déjà l’enthousiasme, le partage, l’entraide et la convivialité”

 

Quel est le statut du référent numérique dans ton école ?

Aurore : “Jusqu’à l’année passée, il n’y avait pas vraiment de référent numérique à proprement parler. Plutôt du partage de connaissances numériques, mais comme décrit plus haut, cela ne concernait qu’une petite frange du corps enseignant.

Par contre, la gestion du parc informatique est assurée par une “bonne âme”, à raison de 3 périodes NTPP par semaine. Les tâches sont très variées: création des codes élèves et professeurs pour accès au réseau (arrivées et départs permanents), maintien en ordre et/ou remplacement du matériel (dégradations), achat du matériel nécessaire, études comparatives, installation du nouveau matériel (pc, projecteur, TBI, …), installation de nouveaux logiciels, gestion des serveurs, gestion des périphériques, formation des collègues, projection des besoins pour les plans d’équipement, les investissements sur fonds propres… Bref, une multitude de tâches qui nécessiterait bien plus de moyens humains que ceux attribués pour l’instant. D’autant plus que les demandes sont parfois sans fondement et sans aucune réflexion à long terme. Cette tâche nécessite des compétences et connaissances informatiques que parfois nous n’avons pas. Et que dire des formations ! Elles n’existent pratiquement pas.

Cette année, l’actualité a fait prendre conscience à nombre de collègues, mais surtout à notre direction de l’importance de fonctionner sur le même mode et de mettre en place une plateforme tout en formant élèves et enseignants aux pratiques du numérique. C’est une demande que nous avions, Sylvain et moi, depuis un bon moment déjà. Le but premier étant bien entendu d’être prêt en cas de mise en quarantaine d’élèves et/ou d’enseignant. L’idée d’amener une plus-value à notre enseignement et d’utiliser les outils numériques au service des apprentissage est quand même bien présent.

Pour en revenir à ta question, cette année 7 heures issues du pot “COVID” de la FWB sont réparties sur nos trois têtes afin de mettre en place la plateforme G Suite for Éducation, créer les adresses mails, former nos collègues, rendre nos élèves “prêt à l’emploi” pour ces derniers et enfin, assurer le suivi et la gestion de tout cela. Bien entendu, après un rapide calcul, nous pouvons déjà dire qu’avant le 15 octobre, nous aurons déjà utilisé les heures d’une année. Nous naviguons donc entre heures attribuées et bénévolat, on savait dès le départ à quoi s’en tenir, cette année est une année charnière, on doit tout mettre en place et c’est terriblement chronophage. Mais nous avons une vision à long terme ; les années à venir nous permettrons de bien ancrer ce qui aura été fait et de continuer à avancer. C’est beaucoup de travail, mais c’est loin d’être du travail ingrat. Nous sommes aussi portés par le retour de nos collègues. Ce n’est vraiment pas le but premier, mais ça compte.

 

Envie partager quelque chose librement au sujet de ta vision du référent numérique ?

Aurore : “Être référent numérique, c’est avoir envie de partager son expérience avec ses collègues, avoir un esprit curieux et ouvert, ne pas hésiter à expérimenter (et donc pour cela, idéalement, garder un pied dans ses classes). Un référent numérique se doit de réaliser un travail de veille pour ses collègues et doit pouvoir proposer plusieurs outils plutôt que d’en imposer un.

Il faut aussi faire preuve de disponibilité et d’inventivité pour toucher un maximum de personnes et générer de l’engagement de leur part. La motivation est clairement un maître mot dans cette fonction. Il ne faut pas trop compter ses heures non plus.

Et bien entendu d’un point de vue plus législatif, un RN doit aussi se renseigner car c’est toute une organisation (plus de 1000 individus : élèves, mdp, direction, PO) qui sont intégrés dans un système où, immanquablement, il y a collecte de données. Il faut pouvoir amener certaines garanties, renseigner les personnes concernées et ne pas prendre des décisions qui iraient à l’encontre de la loi RGPD.”

 

Aurore sera présente cette année au SETT, après avoir superbement remporté 2 Awards lors de l’édition précédente pour ses différents projets pédagogiques. Merci à elle pour ce témoignage inspirant !

En espérant que cet exemple pourra en motiver d’autres.